







Hamza est un rappeur, chanteur et beatmaker au multi-facette musicale. A la suite de son projet Casanova aux sonorités inspirées de la Dancehall qui est une musique dansante originaire de Jamaïque, son EP 1994 l’amène à se faire connaitre du grand public développant un rap intimiste mais également ambiançant. Surnommé Sauce God dans le rap jeu, Hamza charme ses auditeurs grâce à de nombreux morceaux envoutants tels que Juste une minute, Vibes, Life et 1994, qui le propulse vers un succès international. Dans une quête identitaire avec la volonté d’étendre son domaine musical, ce rappeur à la double culture, marocaine et belge, ne cesse de perfectionner ses beats. Passionné de musique, il réunit tous les horizons à travers sa production musicale. A l’intersection de ses différentes influences, il affine l’instrument qu’il affectionne le plus, sa propre voix et l’accompagne d’une prod millimétrée et mélodieuse. Maintenant qu’il a trouvé sa note musicale, Hamza a composé son premier album Paradise. Dorénavant, le rappeur s’est forgé une identité profonde et attirante en créant une atmosphère musicale dans laquelle le son limpide des sirènes nous mène vers les eaux troubles.
Présentation de la pochette


Pochette de l’album Paradise
Présentation de la pochette
Cette photographie est divisée en deux parties quasi-symétriques : D’une part, Hamza dans l’eau et d’autre part, son reflet trouble et miroitant. Concrètement, on imagine que le rappeur, peut-être par l’excès de drogues et d’alcools ingérées, est tombé dans la piscine. Englouti par l’eau, il chute inconsciemment et lentement vers le fond. Le pull au motif squelettique amplifie cette fin tragique. Cependant, la mise en avant de son reflet dans l’eau amène à y voir également un sens davantage symbolique. L’interprétation de l’eau est ambiguë dans sa forme limpide et calme parce qu’elle exprime la paix et le bien-être mais également le froid et la mort. Mais ce qui est unanime, c’est que cet élément naturel de couleur bleue possède des vertus introspectives grâce au reflet de nous-même qu’il nous renvoie. A la vue de son monde intérieur, Hamza a sauté le pas et s’est plongé dans son reflet jusqu’à en être immergé pour aller chercher en lui, l’inspiration nécessaire à la création de son premier album. Paradise se présenterait comme l’édifice d’un univers musical profond.
Paradis Artificiel : Luxe et Addiction
Hamza s’évade d’une réalité terne pour baigner dans son idéal, la musique. L’univers musical et la réalité se sépare l’une de l’autre jusqu’à provoquer un clivage entre les deux. L’équilibre en devient instable : bien-être et mélancolie, élévation et gouffre, paradis et enfer. Sur des prods aériennes qui font planer, Hamza nous ensorcèle par sa voix et use d’artifices pour décrire sa réalité : « Gun dans les mains, Dieu dans l’cœur, rempli le Goyard / Parfois, je vis, demain, je meurs, personne me sauv’ra »


Les morceaux qui abordent
le thème du paradis artificiel
[Paradise]
« Demain, j’la tej car elle n’aime que ma maille
Tous les week-ends, j’fly
Bienv’nue à Sauce Paradise, j’vois ces niggas s’inventer des lifes
mes jeunes veulent d’la coke en détail et les junkies déraillent
ma maman en perd les pédalesJ’en ai parlé avec mon Henny ( un cognac) late night » »
Le morceau On cherche le gen-ar du rappeur Busta Flex décrit cette réalité où l’on plonge dans les vices liés à la drogue, la quête d’argent et tout ce qui s’ensuit.
On cherche le gent-ar, ici et nulle part, chaque lascar veut sa part / Hey yo, seul contre tous, tous contre toi /Bloquer, chaque mec veut croquer, escroquer son reuf / Troquer sa merde, traquer la thune, braquer la Brinks / on veut l’fric et la gloire / La rage pousse les reufs à être sauvages, quel que soit leur âge / L’orage est proche, nique tout avant le naufrage / Gonfler à la haine, on flaire nos haleines / C’est beau d’rêver, c’est bon de s’élever, c’est bas d’saliver /C’est bien d’se laver l’esprit quand on s’sent sale et j’prie / Quand je m’y sens forcé et c’est triste, toutes ces années de catéchisme / De communion pour ensuite changer de piste, c’est grave / Est-ce que j’irai au paradis ? Normalement oui, c’est Polnareff qui l’dit / Moi j’dis que je viens du paradis, j’y suis resté 9 mois / Après l’école, j’ai compris qu’le système voulait pas d’moi / Chez nous avant d’chercher d’savoir comment tu vas, on cherche le gent-ar »


La pochette de l’album Busta Flex
D’ailleurs, on retrouve SCH sur le morceau HS. Les deux rappeurs sont liés par un lourd passif en commun. Loin des actions vertueuses, Ils étaient tous les deux dealers de drogues en tout genre : « On t’vend la C, l’ecstasy, big H (Hamza) big S (SCH), t’es HS / […] / Frisé, lissé, j’vends la C depuis l’lycée. »
[Henny me noie]
Studio, j’allume un pur et je fly (yeah yeah yeah)
Quand j’bois le Henny’, le Henny’ me noie, shawty ne sait plus se lasser de moi »
Sous l’effet du cannabis, la réalité se désagrège « Studio, j’allume un pur et je fly ». Les sens s’entremêlent et la musicalité se repend dans les formes et les mots. L’imaginaire s’accroit et la vie semble harmonieuse mais au fur et à mesure que les décors envoutants se dégradent, l’idéal s’éloigne et la volonté s’échappe. A ce moment, les artifices nous paraissent bien ternes et la réalité encore plus morose. Dès lors intervient le Henny, un cognac. Cet alcool fort détient des vertus libératrices mais à force d’insister sur la bouteille, il mène à la dérive. Ce qui cherche le souvenir ou l’oubli par l’ivresse, ne pourront que dissimuler une douleur ou noyer une peine qui reviendra toujours à la surface, « Quand je bois le Henny, le henny me noie ». En apparence, la joie du rappeur parait constante et sa shawty (argot américain utilisé pour le terme girl friend) semble combler par un bonheur illusoire depuis qu’elle partage sa vie avec Hamza.
[Audemars shit]
« j’suis froid comme le regard d’un corps éteint
Si j’te raconte, j’vais te filer le blues
Compter ma monnaie, éviter les douze (les flics)
Mon cœur est noir mais la vision est rouge
On sort le truc si le négro est louche
Démons s’introduisent dans ma vie sans faire de bruit
Bébé, mon poignet va avec le prix, Audemars shit, yeah »
Plongé au fond de lui-même, Hamza baigne dans ses eaux froides et obscures et s’aperçoit que ses démons font surface. Au lieu d’un récit long et glaçant pour expliquer ses fragilités, le rappeur ne laisse rien paraitre envers sa copine et détourne l’attention en exhibant sa montre de luxe, de la marque suisse Audemars.
Le reflet sombre
Dans un mal-être qui se fait de plus en plus ressentir, Hamza s’isole et se rapproche de l’eau environnante. Son regard figé contemple la faible ondulation qui se repend sur la surface bleue, calme et silencieuse. Au bord de la piscine, il regarde le miroir bleuté que lui renvoie l’eau. le rappeur observe que son reflet est aussi sombre que le fond de la piscine dont la profondeur lui provoque un vertige intérieur. « Tu sais qu’je viens d’en bas, j’combat le diable en moi »


Tableau Narcisse du peintre Le Caravage
[Le même sort]
« Les drogues m’appellent, mon corps, ma tête, mon cœur décolle
Toi et moi, c’est l’même sort
Quand je tise ma peine sort
Parfois, j’en rêve, un jour, j’en crève, le soir, j’y penseMa foi s’enterre, c’est vrai, sans cesse, j’entends étrange»
Le rappeur entame un étrange dialogue en discutant avec son reflet au bord de la piscine, « Toi et moi c’est le même sort ». Il sent que lui et le miroir bleuté sont intimement liés. Hamza lui parle de ses addictions, « les drogues m’appellent », et de ses souffrances, « Quand je tise ma peine sort ». Il lui avoue également que sa foi se dissipe, certainement à cause de son train de vie qui n’est plus en accord avec lui-même. Peut-être dû fait de cette perte, une voix étrange se fait entendre de l’intérieur, c’est sans-doute celle de son reflet qui cherche à communiquer avec lui : « Ma foi s’enterre, c’est vrai, sans cesse, j’entends étrange ».
[Le même sort]
« Je prie à plein temps mais je pêche à plein temps
Car mon âme est ivre, mort et prêt à vivre
Dans le piège à cinq ans, de l’été au printemps
Le temps peut pas fuir, ils ne peuvent pas m’suivre »
Hamza vit un profond déséquilibre, l’ivresse a atteint son âme : Il prit autant qu’il pêche, il se sent autant mourir que prêt à vivre. Il a l’impression qu’un piège s’était refermé sur sa vie dans le passé, lorsqu’il était dealer, « Dans le piège à cinq ans, de l’été au printemps ». La musique l’a délivré de ce sentiment de persécution. Dorénavant, tant que le temps est de son côté, tant que la vie lui donnera une chance, il aura toujours une longueur d’avance par rapport à ses démons. Un nouvel élan vital le pousse à aller de l’avant.
L’amour salvateur
Sur des magnifiques productions musicales chaudes et vaporeuses, la voix d’hamza vogue sur un torrent de sensations bouillantes. Hypnotisé par l’idéal féminin, le rappeur ralentit le flow de ses mots et allongent les syllabes. Sa voix envoutante nous berce de ses mots doux et sensuels accompagnés d’un fond musical planant. Hamza se dissipe peu à peu devant un amour auquel il ne peut pas lutter. Résister à l’attraction du désir est vécu comme une épreuve difficile dans laquelle des forces inconnues l’immergent et lui font perdre le contrôle. Malgré les nombreux troubles que lui causent la gente féminine, Ce Don Juan se met au défi de conquérir l’amour.


Tableau de Benjamin Anderson
[Validé]
« Remplis ton verre, j’ai envie qu’on s’aime
Envie qu’on traîne, yeah, de longues nuits sous l’ciel
Pas d’cauchemar sans rêve, love jusqu’à c’qu’on crève
Une seule vie donc reste pas qu’une seule nuit d’hôtel, wow »
Hamza exprime un profond désir amoureux qu’il porte envers une femme. Elle le plonge dans son imaginaire et stimule sa créativité. Cet instant, hors de la réalité, tangue entre rêverie et fantasme. Le temps devient relatif face à l’Amour, « Une seule vie donc reste pas qu’une seule nuit d’hotel ». A la suite du cauchemar associé au paradis artificiel, le rappeur rêve d’une intense relation amoureuse, « love jusqu’à c’qu’on crève ». Dans l’obscurité d’une eau insondable, une sirène est-elle apparue ? Une lueur d’espoir semble jaillir des profondeurs. Aussitôt, le rappeur suit son intuition et traverse ses failles intérieures vers une étrange source chaude et lumineuse à la quête de l’amour.
[Sometimes]
«Est-c’que tu sors sometimes? J’aime c’que tu portes sur toi
Laisses ton phone avant qu’j’m’en aille, yeah yeah yeah
J’ose pas l’demander mais j’aimerais danser
C’est tout c’que j’attendais en love de ce body
Girl j’aimerais t’emmener mais j’ose pas l’demander
Tu contrôles mes pensées, en love de toi baby»
Le morceau Sometimes nous absorbe dans une ambiance chaleureuse et rayonnante. L’instrumental est composée d’une rythmique afro-pop avec de nombreuses pistes musicales harmonieuses dont une basse enrobée très agréable à l’écoute. L’atmosphère musical est propice au sentiment amoureux et de toutes ses réactions physiques, la sensation de chaleur s’intensifie et le cœur s’emballe. Tout au long de ces paroles, Hamza nous fait part de son impuissance à canaliser les émotions que déclenche l’Amour. Devant elle, passer à l’action et la séduire lui parait désormais infaisable : « J’ose pas l’demander mais j’aimerai danser […] Tu contrôles mes pensées, en love de toi baby ».
Minuit 13
Enregistré à l’heure dite, 00H13, le morceau conclut en beauté l’album. Les deux artistes, Christine and the Queen et Oxmo Puccino, accompagnent le rappeur Hamza pour le final musical. Hamza et le beatmaker Ponko ont produit en duo cette instrumentale au rythme paisible. Pour parvenir à une telle mélodie, ils ont samplé le morceau Everybody’s got to learn sometime du groupe The Korgis. Cette manœuvre a déjà été entreprise par le rappeur français Dany Dan (appartenant au groupe Les sages poètes de la rue) pour son morceau culte Sunshine.


Midnight swim
[Intro Christine and the Queen]
« Change your heart
Look around you
Change your heart
It will astound you
I need your lovin’
Like the sunshine
Everybody’s got to learn sometimes »
La chanteuse introduit le morceau Minuit 13 en prônant les vertus d’un changement d’état d’esprit. Selon elle, tout est matière à apprendre et à aimer, suffit de s’intéresser aux choses et d’écouter les gens que l’on rencontre. L’individu qui met en application cette doctrine simple, deviendra aussi rayonnant que le soleil et sentira, à l’intérieur de lui, son cœur verdir et fleurir. La simplicité a toujours étonné.
« Minuit 13, dans l’noir comme les autres soirs, yeah
Pour le croire, baby, faut le voirRockstar, northside et j’viens pas d’autre part »
Le rappeur vit toujours la nuit mais dorénavant sans lumières artificielles, « Minuit 13, dans l’noir comme les autres soirs ». Lorsque le soleil se couche, Hamza écrit et produit sa musique, et en cela, il est en paix avec lui-même. Ce nouvel état d’esprit parait surprenant pour les gens qui voyagaient, comme lui, vers l’eldorado grâce à la drogue, « Pour le croire, baby, faut le voir ». Maintenant qu’il se détourne du mirage des oasis, il continue la traversée des terres arides en solitaire car, il le sait désormais, le véritable bien-être se situe dans un endroit peu accessible et difficile à atteindre. L’épreuve surmontée apporte toujours ses enrichissements, le dicton dit : Ce qui ne tue pas rend plus fort. « Rockstar, northside et j’viens pas d’autre part ».
Hamza offre à Oxmo Puccino, l’un des piliers du rap français, les derniers instants de son album Paradise pour qu’il proclame une allégorie éprise de ses mots poétiques riches de sens.
[Outro : Oxmo Puccino]
« Et nous y sommes, ni ciel, ni terre, comme avant le commencementMais là, c’est après le dernier jour d’une courte vie
Cet instant que l’on craignait tant, ce moment
Où l’on doit faire face à ce qu’on pensait faire de bien ou de mal
Oui, pensait car l’équilibre, le bien
Le mal est une notion qui dépend aussi de celui qui reçoit
De notre vivant, on n’est jamais convaincu du mal qu’on a fait
On a toujours une bonne raison pour le mal qu’on a fait
Le bien appartient à ceux qui l’on reçu
Mais avant tout, c’est un cadeau pour celui qui a donné
Alors, c’qui est sûr, c’est le souvenir qu’on laisse
Oui, le souvenir qu’on laisse »
Conclusion
Le gout de la défaite est amer, c’est bien pour cela que Hamza, disposé à éradiquer la concurrence et à faire exploser les streams, s’est armé pour la sortie de son premier album Paradise. Couvert par deux excellents rappeurs embusqués, SCH et Oxmo Puccino aux schémas de rimes calibrés, Sauce God est prêt à sortir l’artillerie lourde. Les armes de confection franco-belge sont produites par lui et sa fine équipe de beatmakers constituée de Ponko, Prinzly, Ikaz Boyz, Myth Syzer, Oz et Touch. De grande envergure, l’opération militaire se prépare avec les US puisque le dernier entrainement s’est déroulé dans les studios de mixage de Los Angeles. Le rappeur compte bien gagner la guerre commerciale pour instaurer son univers musical idéalisé, son paradis bien à lui. Après s’être mêlé à la noirceur, il avancera sans détour, ni retour. Après s’être échappé des profondeurs, il mettra l’amour au goût du jour.


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